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«Toute lecture digne de ce nom se doit d'être absorbante et voluptueuse», écrit Stevenson dans À bâtons rompus sur le roman. Les œuvres rassemblées dans ce deuxième volume, écrites pour la plupart au cours de l'errance à laquelle la quête de climats propices à sa santé oblige désormais Stevenson, ont à cœur de répondre à cette injonction et jouent de toutes les facettes du romanesque : Enlevé ! se transporte dans les Highlands, où il file ventre à terre ; La Chaussée des Merry Men a pour décor un îlot d'Écosse battu par les vagues ; La Flèche noire relate des «Aventures au temps de la guerre des Deux-Roses» ; Le Grand Bluff, pastiche plein de fantaisie, navigue plutôt entre romance, enquête policière et sensationnel ; Le Maître de Ballantrae, chef-d'œuvre incontestable de cette période, multiplie les sauts de puce entre l'Ancien et le Nouveau Monde, l'Écosse, l'Inde et l'Amérique ; quant au Pilleur d'épaves, première fiction inspirée par les mers du Sud - on sait que Stevenson finira ses jours aux Samoa -, l'auteur semble y récapituler toute sa trajectoire passée. Pas un personnage, dans ces romans où le thème du double est toujours présent, qui ne soit fasciné par qui se montre plus exalté, plus retors, plus séduisant que lui. Entre peur et exultation, le lecteur, qui joue à être le héros du récit, renoue avec des sensations d'enfance qu'il croyait perdues ou pensait émoussées...
Né le 13 novembre 1850 à Édimbourg, Robert Louis Stevenson a une enfance heureuse mais maladive pendant laquelle il fait de nombreux voyages avec son père. Ingénieur en 1871, sa santé l'oblige à abandonner cette profession; il fait des études de droit et s'inscrit au barreau en 1875. Puis il reprend ses voyages et visite l'Allemagne, la France, la Suisse, les États-Unis, les îles Marquises, Tahiti, Honolulu, les îles Gilbert. Il se fixe à Vailima, dans l'archipel des Samoa, où il meurt d'une crise d'apoplexie le 3 décembre 1894. Tuberculeux, il allait toujours plus au sud, vers le soleil. Cette nécessité de se tourner vers des climats plus cléments a certainement influé sur sa vocation d'écrivain. Son premier texte, publié en 1875, Appel au clergé de l'Église d'Écosse, ne laissait guère entrevoir les chefs-d'œuvre d'épouvante et d'aventure des années suivantes. En 1879, il publie Voyage avec un âne dans les Cévennes. En 1882, il change de registre avec les contes des Nouvelles Mille et Une Nuits, teintés de mystère. En 1883, paraît son premier chef-d'œuvre, qui renouvelle le récit d'aventure en y mêlant la poésie du réalisme fantastique : L'île au trésor. C'est un roman hors du temps. L'aventure de Jim Hawkins, le jeune héros, se déroule au XVIIIe siècle. Cette distance ajoute encore au charme de l'histoire qui fait s'évader le lecteur de cette fin du XIXe siècle où triomphe la révolution industrielle, pour le ramener à l'époque de la marine à voile et des pirates. Les thèmes éternels de la course au trésor et du héros qui triomphe d'une bande de gredins lui confèrent une dimension de conte d'initiation. Le récit est d'un réalisme parfait : on a pu, en suivant les indications du livre, tracer une carte exacte de l'île. Mais, par-dessus tout, L'île au trésor est une extraordinaire galerie de portraits, de scènes, de sonorités qui restent gravés dans la mémoire une fois le livre refermé. Parmi les ouvrages de Stevenson qui s'adressent à la jeunesse figure un autre de ses chefs-d'œuvre, Docteur Jekyll et Mr Hyde (1885).