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«Vivre nous tend entre l'un et l'autre : il dit à la fois l'élémentaire de notre condition – être en vie – et l'absolu de notre aspiration : Vivre enfin! Car que pourrions-nous désirer d'autre que vivre? Vivre est en quoi nous nous trouvons toujours déjà engagés en même temps que nous ne parvenons jamais – pleinement – à y accéder. Aussi la tentation de la philosophie, depuis les Grecs, a-t-elle été de le dédoubler : d'opposer au vivre répétitif, cantonné au biologique, ce qu'on appellera, le projetant dans l'Être, la vraie vie. Refusant ce report et circulant entre pensée extrême-orientale et philosophie, j'envisagerai ici quels concepts peuvent faire entrer dans une philosophie du vivre : le moment, l'essor opposé à l'étalement, l'entre et l'ambiguïté ; ou ce que j'appellerai enfin, prenant l'expression en Chine, la transparence du matin. Je me demanderai, plus généralement, comment chaque concept, pour se saisir du vivre, doit s'ouvrir à son opposé. Car comment s'élever à l'ici et maintenant sans se laisser absorber dans cet immédiat, ni non plus le délaisser? Ce qui impliquera de développer une stratégie du vivre en lieu et place de la morale. Le risque est sinon d'abandonner ce vivre aux truismes de la sagesse ; ou bien au grand marché du développement personnel comme au bazar de l'exotisme. Car cet entre-deux, entre santé et spiritualité, la philosophie ne l'a-t-elle pas – hélas! – imprudemment laissé en friche?» François Jullien.
François Jullien, professeur à l’université Paris-Diderot, est titulaire de la chaire sur l’altérité du Collège d’études mondiales de la fondation Maison des sciences de l’homme. Son travail est traduit dans quelque vingt-cinq pays.