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En 1969, J. Favret-Saada s'installe dans le Bocage pour y étudier la sorcellerie. Elle tient un journal pour noter l'essentiel de ses entretiens. Ainsi se constitue une chronique des événements quotidiens, qui devient le matériau principal de la recherche.
En 1969, Jeanne Favret-Saada s'installe dans le Bocage pour y étudier la sorcellerie. Personne ne veut lui en parler. Tenir un journal paraît alors le seul moyen de circonscrire un «objet» qui se dérobe : relater les conversations, incidents, coutumes qui pourraient avoir un lien quelconque avec la sorcellerie, noter systématiquement comment les gens refusent d'en parler. Dans la formulation même de ces refus se révèle peu à peu une conception du monde centrée sur l'idée de «force».. Un jour, tout bascule : parce qu'ils lui attribuent cette «force», des paysans demandent à Jeanne Favret-Saada de les désen-voûter. Un autre ensorcelé, qui devine sa peur, lui annonce qu'elle est «prise» et l'adresse à sa désorceleuse. Dès lors, continuer à écrire permet à l'ethnographe de manier des situations incompréhensibles et dangereuses, de supporter l'enjeu mortel de toute crise de sorcellerie : «Corps pour corps, c'est lui qui y passe, ou c'est moi.».