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Marcus alla voir Lucie. Il ne lui parla pas. Par un trou qu'on avait percé dans la porte de la cellule, il regarda cette femme qu'il aimait avec passion. Il ne vit pas son visage, mais son dos, son épaule ou seulement un morceau du mur qui lui faisait face. Avant qu'il n'entendît sa voix, et dans cette pénombre, Marcus douta que ce fût Lucie. Il ne put s'empêcher de penser que c'était un leurre, une femme que l'on aurait enfermée pour la livrer à sa contemplation avant d'apaiser sa fureur amoureuse. À cette pensée, il gémit. Cette plainte qu'il laissa échapper fit deviner sa présence. Lucie demanda qui se tenait derrière la porte. Il reconnut sa voix et en conçut de la joie. Il dit son nom. Alors elle colla sa bouche contre le trou. Il ne vit plus rien, mais sentit le souffle passer sur son visage. Le premier moment de terreur passé – il avait été saisi d'effroi devant la noirceur qui lui avait bouché la vue – Marcus se laissa aller à l'extase de respirer le souffle de Lucie.
Romancière et essayiste, Marie Ferranti vit à Saint-Florent, en Haute-Corse. Elle a notamment publié récemment aux Éditions Gallimard La princesse de Mantoue, Grand prix du roman de l’Académie française (collection blanche, 2002, Folio n° 4020), Une haine de Corse (collection blanche, 2012, Folio n° 5578), Marguerite et les grenouilles (collection blanche, 2013), Les Maîtres de Chant (collection blanche, 2014).
À travers la vie de Lucie de Syracuse, Marie Ferranti dévoile une personnalité cruelle et féroce, qui oscille entre sainteté et manipulation, et livre un roman bref et fascinant, à l'image de la martyre chrétienne.