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En examinant la multiplicité des représentations de Machiavel et d'abord le mythe du machiavélisme, Claude Lefort ne cède pas au scepticisme ; il sonde seulement l'imaginaire que recèle la pensée politique. Pas davantage ne cède-t-il à ces versions plus sophistiquées du scepticisme que sont le sociologisme et l'historicisme quand il replace l'œuvre de Machiavel dans les horizons d'une époque et d'une société. Mais il ne verse pas non plus au dogmatisme lorsqu'il propose une nouvelle lecture de Machiavel. Cette interprétation ne ressemble à aucune autre. Elle est interprétation de l'œuvre de Machiavel et interprétation des interprétations que celle-ci a suscitées au cours des siècles. Elle comporte une réflexion sur l'œuvre de pensée comme telle et l'interprétation comme telle ; sur le temps qui à la fois sépare et lie l'écrivain et son lecteur ; sur l'étrange jonction qui se fait dans l'expérience de la lecture entre le désir de comprendre et le désir d'écrire. Elle implique aussi, en liaison avec le commentaire du Prince et des Discours sur la Première Décade de Tite-Live, une exploration des conflits qui déchirèrent la République florentine et des idéologies dont Machiavel fait sa cible. Cette lecture exigeante, puisqu'elle accompagne pas à pas la pensée de Machiavel dans Le Prince et les Discours du début à la fin de chaque ouvrage, ne dissimule pas la présence de celui qui la fait, et elle entretient une constante interrogation. Ainsi le lecteur de Lefort se sent-il incité à partager cette interrogation e, à son tour, d'un seul mouvement, à revenir à Machiavel et à reformuler pour lui-même la question : qu'est-ce que penser politique ici et maintenant?