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Le critique littéraire montre comment Montaigne tire partie de sa mélancolie, comme Rousseau de ses maux de santé, pour nourrir son oeuvre.
Montaigne en mouvement . Au départ, il y a cette question posée à Montaigne - cette question que Montaigne pose lui-même : une fois que l'individu, dans un accès d'humeur mélancolique, a récusé l'illusion du paraître, quelles expériences lui sont-elles réservées ? Que va découvrir celui qui a dénoncé autour de lui l'artifice et le déguisement ? Lui est-il permis de faire retour à soi, d'accéder à l'être, à la vérité, à l'identité intérieure, au nom desquels il jugeait insatisfaisant le monde dont il s'est écarté ? Montaigne met à l'épreuve cet espoir en composant les Essais. Mais « la prise et la serre » seront-elles possibles ? Si les mots et le langage sont, au dire de Montaigne, « une marchandise si vulgaire et si vile », quel paradoxe que de composer un livre et de s'essayer soi-même au fil des pages écrites ! L'on ne sort de l'apparence que pour s'engager dans une nouvelle apparence.. Montaigne voit le doute s'étendre jusqu'au point où nulle opinion n'offre une garantie supérieure à celle de la vie sensible. Par le détour de la réflexion sceptique, il réhabilite le paraître, rétablit la « relation à autruy », reconnaît les droits de la coutume et de la finitude. Ce mouvement réconcilie la pensée avec ce qu'elle avait d'abord rejeté ; la condition humaine, malgré toute sa faiblesse, peut être le lieu de la plénitude..