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A partir de la réflexion de Schopenhauer sur le suicide, de celle de Kierkegaard sur l'infinité du désespoir, et jusqu'à celle de Wittgenstein sur le resaisissement éthique, cet essai confère à l'éthique une supériorité non seulement par rapport à la philosophie comme "critique du langage", mais aussi par rapport à toute morale engageant face à soi la présence d'un tiers.
A la question cruciale : «Peut-il y avoir une éthique, s'il n'y a en dehors de moi aucun être vivant ?», Wittgenstein n'avait pas hésité à répondre : «Oui, si l'éthique doit être quelque chose de fondamental.» Nul doute en effet que l'éthique soit quelque chose de fondamental, si elle l'est plus encore que la moralité, plus encore que les rapports des hommes entre eux, que la société, que l'histoire, que le monde lui-même en tant qu'il se définit comme un ensemble de faits (et non, de manière «mystique», comme une totalité bornée). C'est ce caractère fondamental qui en garantit également la supériorité. Une supériorité qui tient au fait que le Supérieur (rappelons que das Höhere est le nom que Wittgenstein donnait à l'élément «mystique» sur lequel repose l'éthique) n'est pas de ce monde, tout saturé que ce monde soit d'«états de choses» possibles ; il n'est pas en lui, il n'en fait pas partie à la manière d'un objet. Il n'est pas non plus hors de «nous» qui croyons être au monde, mais qui, comme le disait Rimbaud, ne le sommes pas ; et il ne s'abrite pas davantage dans quelque arrière-monde que nous aurions le loisir de visiter dans nos songes ou après notre mort. Car la vérité, c'est que nous ne cessons d'avoir part à ce qui, pour n'être pas dans le monde, ne nous est pas moins manifeste - tout en demeurant fort heureusement «indicible».. Paul Audi..