* Les prix de nos produits sont sujets à changements sans préavis.
Le philosophe propose ici une réflexion sur l'interaction de l'humain avec la nature et ses éléments (l'air, les océans, les glaciers, le climat, le sol). Il étudie l'entrée de l'humanité dans une géohistoire où la nature, rendue instable, représente désormais un être dont il est difficile de prévoir les manifestations, figurée ici sous les traits de Gaïa, la déesse mère de la mythologie grecque.
Bruno Latour, sociologue et philosophe, est professeur à Sciences Po. Il est l'auteur, entre autres, de Enquête sur les modes d'existence (La Découverte, 2012).
James Lovelock n'a pas eu de chance avec l'hypothèse Gaïa. En nommant par ce vieux mythe grec le système fragile et complexe par lequel les phénomènes vivants modifient la Terre, on a cru qu'il parlait d'un organisme unique, d'un thermostat géant, voire d'une Providence divine. Rien n'était plus éloigné de sa tentative. Gaïa n'est pas le Globe, n'est pas la Terre-Mère, n'est pas une déesse païenne, mais elle n'est pas non plus la Nature, telle qu'on l'imagine depuis le XVIIe siècle, cette Nature qui sert de pendant à la subjectivité humaine. La Nature constituait l'arrière-plan de nos actions.
Or, à cause des effets imprévus de l'histoire humaine, ce que nous regroupions sous le nom de Nature quitte l'arrière-plan et monte sur scène. L'air, les océans, les glaciers, le climat, les sols, tout ce que nous avons rendu instable, interagit avec nous. Nous sommes entrés dans la géohistoire. C'est l'époque de l'Anthropocène. Avec le risque d'une guerre de tous contre tous.
L'ancienne Nature disparaît et laisse la place à un être dont il est difficile de prévoir les manifestations. Cet être, loin d'être stable et rassurant, semble constitué d'un ensemble de boucles de rétroactions en perpétuel bouleversement. Gaïa est le nom qui lui convient le mieux.
En explorant les mille figures de Gaïa, on peut déplier tout ce que la notion de Nature avait confondu : une éthique, une politique, une étrange conception des sciences et, surtout, une économie et même une théologie.