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Revenant sur trente ans d'histoire américaine, T. Frank montre comment, mobilisée contre l'avortement et les impôts, toute une frange d'Américains pauvres s'est retrouvée enrôlée dans une guerre au service des plus riches. Enquête de l'auteur dans son Kansas natal.
Thomas Frank écrit régulièrement pour Le Monde diplomatique et Harper's des articles d'analyse sociale et politique de la situation américaine. Auteur d'une demi-douzaine d'ouvrage, il a publié en français Le Marché de droit divin (Agone, 2003).
À la fin des années 1960, la concurrence internationale et la peur du déclassement transforment un populisme de gauche (rooseveltien, conquérant, égalitaire) en un «populisme» de droite faisant son miel de la crainte de millions d'ouvriers et d'employés d'être rattrapés par plus déshérités qu'eux. C'est alors que la question de l'insécurité resurgit. Elle va embourgeoiser l'identité de la gauche, perçue comme laxiste, efféminée, intellectuelle, et prolétariser celle de la droite, jugée plus déterminée, plus masculine, moins «naïve».
Cette métamorphose s'accomplit à mesure que l'inflation resurgit, que les usines ferment et que l'«élite», jadis associée aux grandes familles de l'industrie et de la banque, devient identifiée à une «nouvelle gauche» friande d'innovations sociales, sexuelles et raciales.
Les médias conservateurs n'ont plus qu'à se déchaîner contre une oligarchie radical-chic protégée d'une insécurité qu'elle conteste avec l'insouciance de ceux que cette violence épargne. Au reste, n'est-elle pas entretenue dans ses aveuglements par une ménagerie de juges laxistes, d'intellectuels jargonnants et autres boucs émissaires rêvés du ressentiment populaire ?
«Progressistes en limousine» là-bas ; «gauche caviar» chez nous.
Extrait de la préface de Serge Halimi