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L’écriture de ce livre est née de la conviction que la parole humaine détient force de vie et de liaison, mais qu’elle nous sépare aussi de nous-même en médiatisant notre rapport à la concrétude du monde et aux lois de la matière. Au centre de ce paradoxe apparaît le sujet parlant – désirant – qui, tout en utilisant les mots de l’Autre, est tenu d’apprendre à s’exprimer en son propre nom afin de s’insérer dans l’ordre symbolique et d’assumer, selon les mots d’Hervé Bouchard, le « rôle de sa vie ». À travers la lecture des oeuvres de trois auteurs préoccupés par la question de l’inadéquation de la parole au réel – celles d’Hervé Bouchard, Pierre Perreault et Hector de Saint-Denys Garneau –, cet ouvrage cherche à mettre en lumière « la part de scandale de la parole créatrice », c’est-à-dire l’inévitable aliénation qu’implique cette dernière au coeur même de l’invention. Convoquant les études littéraires, la théorie psychanalytique ainsi que certains éléments de philosophie, on verra que toute velléité de contrôle absolu du déploiement de la parole humaine – incommensurable – se révèle illusoire lorsque l’assujettissement au langage sert d’assise à une réflexion sur notre activité créatrice.
Laurance Ouellet Tremblay enseigne la création littéraire et la théorie psychanalytique à l’Université McGill.