* Les prix de nos produits sont sujets à changements sans préavis.
Fatima Gagné tient un journal quotidien dans lequel elle rapporte les événements personnels et collectifs qu'elle traverse entre février 1988 et février 1989. Dans le territoire de l'intime ou dans l'espace citoyen, ils participent de la nouvelle âme québécoise, cet assemblage babélique de différentes origines culturelles et linguistiques en terre d'Amérique, qui force à revoir les mythes établis au sujet de cet Eldorado prospère et décadent, fellinien à beaucoup d'égards. En contrepoint se fait entendre la voix de Louis, architecte en crise d'identité qui emménage en face de chez elle, au coeur du quartier des Juifs hassidiques de Montréal. Ces deux êtres vivent presque malgré eux un amour intermittent, une impossible communion. Louis est confronté à une crise familiale, professionnelle et artistique. Orthophoniste célibataire de 35 ans, Fatima cherche quant à elle un rapport au monde qui donnerait un sens aux mouvements souvent contradictoires de l'expérience humaine. Vivre à Montréal, ce n'est pas seulement vivre dans la deuxième plus grande ville française du monde, c'est aussi vivre ailleurs, dans un devenir personnel et collectif, et pour Fatima, c'est un devenir de femme.
Avec deux romans fétiches dans les années 1980, Maryse (1983) et Myriam première (1987), Francine Noël a fait une entrée fracassante sur la scène romanesque. Mêlant humour et critique sociale, ces romans sont la chronique foisonnante des années soixante-dix et quatre-vingt dans un Montréal babélique en constante mutation. Par la suite, elle a publié Babel, prise deux. Nous avons tous découvert l'Amérique (1992) ainsi que La conjuration des bâtards (1999) dans lequel elle renouait, au seuil du nouveau millénaire, avec les grands personnages de sa tribu montréalaise, Maryse, Laurent, Myriam, Lilith, Gabriel, Tristan, dont certains reviendront dans J'ai l'angoisse légère publié en 2008 et Adagio, finale de la saga. Son récit La femme de ma vie a gagné le Combat des livres de Radio-Canada.
Une femme, un homme, l'une orthophoniste, l'autre architecte, deux appartements à la frontière du Mile-End et d'Outremont, deux journaux intimes d'inégales longueurs, et pourtant une oeuvre sans binarisme, tout en nuances. Récit de transports (amoureux, entre les langues, entre les quartiers, dans une douce-amère déambulation), Babel, prise deux, publié en 1990, fait voir et entendre la diversité de Montréal, ses frictions, ses rencontres. Les témoignages de Fatima et de Louis, par leur désir d'habitation, de communication, de contact avec les autres, cherchent à redéployer dans le présent l'utopie de Babel, ce qui serait le moyen d'enfin habiter le territoire américain. Se tenant loin de la naïveté, capable d'autodérision, de colère et d'envolées festives, mais surtout capable de donner une cohérence à nos contradictions intimes, ce roman, sourire en coin, montre que nos existences s'ancrent dans un irrépressible besoin de lien social. MICHEL NAREAU