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La folie occupe une place privilégiée dans l’univers de Jacques Ferron. C’est que le docteur avait travaillé seize mois (1970-1971) comme omnipraticien au sein de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu de Montréal. Volontairement affecté à la salle Sainte-Rita, section réservée aux «femmes folles» où il avait, dit-il, son «ciel» et ses «quartiers», il a côtoyé des êtres dysfonctionnels et fantastiques qui se trouvaient à la limite des personnages de fiction. L’immense conteur en lui a trouvé là une nourriture considérable qu’il transportera, avec une affection bienveillante, à travers toute son œuvre. Ce recueil de quinze textes – récits, souvenirs, chroniques, choses vues et entendues – montre encore une fois comment la plume de l’intelligent docteur sert ici à saisir à bras le corps la misère et le malheur de vivre ainsi à l’écart du monde. La fêlure des femmes qu’il soigne pouvait-elle rejoindre la sienne propre ? Personne n’a oublié que Nelligan, à qui, plus jeune, Jacques Ferron a déjà rendu visite, y a passé des années sombres entre folie et oubli. «Le pas de Gamelin», le texte inaugural, très largement autobiographique, est pour plusieurs l’un des moments forts de toute son entreprise littéraire.
Né à Louiseville en 1921, Jacques Ferron jouit d’une affection particulière dans le ciel de la littérature québécoise. Par l’ampleur de son œuvre et de son engagement social comme médecin, éveilleur de conscience et militant, il a imprimé sa marque sur les liens que tisse la littérature avec le réel d’un peuple. Ses personnages sont devenus des archétypes de son « pays incertain », portés par les mots des traditions orales et écrites. Il a fouillé avec un instinct sûr et retors les mythologies des provinces du Québec, cartographiant les blessures et les folies de son imaginaire avec la finesse parfois cynique, souvent voltairienne, d’un brillant et fécond homme de lettres.