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La théorie serait la marque distinctive de la science. Elle distinguerait le discours savant des autres rationalisations qui ont cours dans la vie sociale : journalisme, littérature, essais, documentaires, idéologies, etc. Il est possible que la théorie dans nos sociétés ait un rôle qu’on n’a pas encore perçu, le lien puissant qui l’unit au monde social. Il est probablement plus certain encore que la difficulté à penser ce lien tient au fait qu’on est certain que la théorie, celle des sciences sociales a une fonction essentiellement critique. L’objectif de cet ouvrage : mettre en lumière la responsabilité de la théorie, une certaine exigence, peut être un devoir, de répondre de ses actes.
Lawrence Olivier est professeur de science politique à l’université du Québec à Montréal, ainsi que professeur associé au département de philosophie de l’université Laval et au département de sémiologie de l’université du Québec à Montréal. Aux éditions Liber, il a notamment publié Contre l’espoir comme tâche politique , suivi de Critique radicale. Essai d’impolitique (2004) et Détruire : la logique de l’existence (2008) et Suicide et politique. La révolte est-elle honorable? (2014).
On aime bien parler de théorie en science et en sciences sociales. C’est un sujet de fierté des chercheurs et surtout un moyen de se démarquer d’autres discours sociaux concurrents : journalisme, littérature, idéologies, etc. La théorie serait la marque distinctive de la science et, à ce titre, elle joue un rôle majeur dans nos sociétés. Mais en quoi consiste-t-elle et que fait-elle, en particulier dans les sciences sociales? Mène-t-elle au vrai, guide-t-elle l’action? Laquelle? Émancipatrice, régulatrice? Voilà les questions que nous entendons remettre à plat dans cet ouvrage. Les sciences sociales sont-elles des théories? Nous dirons plutôt que ce sont des rationalisations. Ces rationalisations s’inscrivent dans le cadre d’innombrables enjeux sociaux pour changer, pour réformer, pour mieux contenir des excès, pour accélérer des lenteurs. Le terme de rationalisation permet de mieux comprendre ce qui les unit à la gouvernementalité, à la question du gouverner , auxquelles elles contribuent très largement. Beaucoup souhaiteraient qu’on dise plutôt qu’elles sont des discours critiques, libérateurs. Nous n’écartons pas cette visée des sciences sociales ; nous montrerons qu’elle n’a simplement pas la portée qu’on lui prête.
