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Le 28 juin 1860, Marie Calumet arrive à Saint-Ildefonse pour remettre de l’ordre dans les affaires du curé Flavel. Ses qualités de ménagère et, bien vite, d’administratrice de la paroisse lui attirent l’amour du bedeau et de l’homme engagé du curé, duo d’idiots qui se livrent une lutte homérique pour conquérir son cœur. Quant à Suzon, la nièce du curé, elle rêve des libertés dont elle pourrait jouir si elle était un homme, or son éveil sentimental se bute à la véhémence des interdits religieux, révélant les mœurs d’une époque asphyxiante et l’emprise du clergé sur la vie intime.
Roman paysan comique issu d’une chanson populaire, satire sociale rabelaisienne, Marie Calumet apporte en 1904 une bouffée d’air frais à une littérature nationale qui sent le renfermé et n’a de cesse d’idéaliser une paysannerie dévote et sans relief. Mais l’archevêque de Montréal ne l’entend pas ainsi et met aussitôt le livre à l’Index. Il faut attendre quarante-deux ans avant qu’en 1946 ne reparaisse le roman – dans une version censurée, qui deviendra le texte de référence aux dépens de l’originale. La présente édition restitue enfin la version de 1904 et redonne accès à une œuvre qu’on commente depuis plus d’un siècle sans l’avoir vraiment lue.
Rodolphe Girard naît en 1879 à Trois-Rivières. Formé à l’Académie commerciale catholique et au Petit Séminaire de Montréal, il est journaliste à La Presse quand éclate le scandale entourant la publication de Marie Calumet, son troisième livre. Alors congédié, Girard s’exile à Ottawa, où il devient tour à tour directeur du journal Le Temps, traducteur à la Chambre des communes et militaire, vétéran de la Grande Guerre. Il meurt en 1956 à Richelieu après avoir donné trois romans, près d’une dizaine de pièces de théâtre et plus de trois cent cinquante contes, parus en recueils et dans les journaux.
En plus d’un siècle, la version originale de Marie Calumet n’a été disponible que quelques semaines. Nous lisons depuis 1946 la version censurée, un texte remanié sous la contrainte de l’Église, qui met une langue soutenue dans la bouche d’un curé simplet et camoufle l’agression sexuelle commise par son confrère. Il fallait corriger ces aberrations parmi d’autres, redonner au roman sa teneur stylistique et sa charge critique, celle d’une œuvre sans complaisance pour la société bigote qu’elle dépeint. À la version censurée, il manque aussi l’esprit, le cabotinage. Car, s’il dénonce bel et bien, ce roman de Rodolphe Girard agit sur le mode du carnaval, transgresse hardiment la bienséance au profit du jeu et renverse la hiérarchie catholique en un royaume paysan et joyeux.