Monde!

Le mot monde? Une onomatopée, une exclamation. On appelle le monde! L’interpelle! Le prie, l’injurie. En une même interjection, qui est une grande clameur en raccourci. On interjette appel auprès de lui, pour ce qu’on en fait ou ce qu’il nous fait, réunissant en un seul et même cri les milliers de plaintes qui sont sorties de sa bouche et de la nôtre à l’unisson, en un volcan de lave et de salive entre lesquelles on ne fait plus la distinction. Fidèle à son habitude, Pierre Ouellet nous offre un recueil de poésie riche, fouillé, rigoureux, dont la forme et le contenu stimulent le lectorat.

Romancier, poète et essayiste, on lui doit une cinquantaine de livres, dont treize romans, parmi lesquels Légende dorée (prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec 1997), L’état sauvage (Prix d’excellence des écrivains de l’Amérique française 2021) ; une vingtaine de livres de poésie, dont Dépositions (Grand Prix du Festival international de poésie de Trois-Rivières 2007) et Outre (2022), de même que dix-sept essais, dont À force de voir (Prix du Gouverneur général 2005), Hors-temps (Prix du Gouverneur général 2008) et Derniers recours (2022). Il a reçu en 2015 le prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre.

Monde ! prend place dans la Trilogie du Grand Manant, ce « vieil errant » qu’on appelle Dieu, Homme, Être ou n’importe comment, perdu dans un univers trop grand pour lui, un espace sidéral à n dimensions que sa petitesse et sa faiblesse l’empêchent de comprendre et de maîtriser… comme il tente de le faire dans ses balbutiements et ses hauts cris, qu’on les désigne sous le nom de prières, de psaumes, d’appels à l’aide ou de chants de guerre, d’augures ou de poésies. Rien à faire : son égarement n’a pas de mots… sinon pour exprimer son désarroi comme fait la girouette qui grince sous le vent, la branche qui craque sous la foudre ou le ruisseau qui déborde dans les grandes crues. Rien n’endigue la force de l’infini par laquelle les hommes et les dieux, leur terre et le ciel aussi, sont emportés au rythme où les vers dans le poème déboulent depuis des lustres… ne laissant rien sur leur passage sinon les traces de tous les crimes qu’ils ont commis en essayant de saisir dans leur souffle ou leur esprit, comme on le ferait à mains nues, le sens caché de la moindre chose… qu’ils finissent par étouffer.. je crie dans mes . deux mains : l’écho que ma . voix fait entre mes doigts . se répercute dans . ma tête où je vous vois et vous . entends mais ne vous touche . jamais : le temps est . mauvais . Pierre Ouellet, lauréat de multiples prix prestigieux dont le prix Athanase-David 2015 pour l’ensemble de son œuvre, est romancier, poète et essayiste. On lui doit plus de cinquante livres; Monde! est son vingt-quatrième recueil de poésie..